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LA JEUNESSE DE RABEVEL

de ses pensées, les diriger, les peser, les contraindre au tour qu’il se proposait ; l’intervention d’une loi morale qui le gouvernait par un intermédiaire ignoré lui était soudain devenue insupportable depuis que, conscient du péché mortel, il en portait le joug. Et le sursaut de la révolte le précipitait dans un camp inconnu où il se trouvait l’antagoniste de lui-même ; mais il avait beau vouloir demeurer dans une sorte de brume relativement confortable où il eût pu s’accommoder, se mettre en ménage avec le péché, inexorablement le poids du passé, la charge mystique, l’explosif religieux complaisamment accumulés dans les cavernes intimes le minaient de toutes parts ; le visage qu’il était obligé de se découvrir soudain participait de son éducation immédiate, la forte empreinte des quatre années où le Père Régard l’avait façonné exerçait son empire ; il fallait de toute nécessité passer par son laminoir.

Ainsi, tour à tour, son imagination subit le cortège des punitions éternelles qu’il encourait, la crainte de la mort sans confession, le spectacle des supplices renouvelés du Sauveur ; quelque chose s’émouvait au fond de son être. Et toujours, néanmoins, derrière il ne savait quels remparts bien assurés et fermes, demeuraient la satisfaction de l’acte accompli et le dessein arrêté de recommencer. Une exaltation à double face croissait en lui ; le déchirement du crime et l’envie de le commettre de nouveau ; le remords le ravinait de délice ; il se trouvait ignoble avec une sorte d’étonnement allègre ; sa sincérité le poussait à des larmes