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LE MAL DES ARDENTS

— Laisse-moi, dit-il.

Elle n’insista pas et, ayant enlevé sa chemise, fit sa toilette, toute nue, débarbouillant sans serviette au savon noir son visage, sa nuque et toutes les parties les plus secrètes de son corps avec l’impudeur de la femme du commun qui se montre telle qu’elle est sans honte ni orgueil ; l’amant ne comptait guère pour elle : il était le plaisir hebdomadaire, il représentait le délice gratuit, la promenade du dimanche, la balançoire de Robinson, la guinguette de Rueil ; elle demanda :

— « Tu reviendras la semaine prochaine ? » songeant à l’autre qui s’était fait si proprement renvoyer. Mais Bernard :

— Ce soir.

Elle se révolta, toutes ses idées bouleversées par la possibilité d’un changement d’habitudes, qui ne lui allait point ; elle se retourna, s’écriant avec force :

— Tu n’y penses pas ! je ne veux pas ! ce n’est pas possible, pas du tout possible.

Il la fixa avec dureté et répondit rudement :

— Ce soir. Ce soir et les soirs suivants. Tous les soirs qu’il me plaira. Tu as compris ?

Elle sentit l’accent du maître et se contenta de hocher la tête d’un air de résignation boudeuse. Il continuait à la regarder avidement mais sans tendresse ni désir, avec une curiosité assoiffée de précision pour ce corps de femme enfin possédé. Il ne pensait à rien qu’à satisfaire son envie de