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LE MAL DES ARDENTS

— Oui, c’est sûr, je ne voulais pas vous dire qu’il y aurait pour vous une surprise ; mais il y a une surprise pour vous et c’est cela qui me fait certain de la présence de mon fils à son logement.

Bernard tout intrigué se rendit rapidement à l’adresse indiquée ; depuis le palier il entendait des rires, des bruits d’assiettes, des fredonnements de voix féminines et comme une rumeur de fête.

— Tiens, se dit-il, on s’amuse là-dedans. C’est peut-être la surprise : quelque anniversaire…

Il sonna. Il perçut une galopade, des cris : Ce sont les huîtres ! Non, la glace ! répondait la voix d’une femme. J’y vais ! Non, c’est moi.

La porte s’ouvrit. Une fille svelte et jolie parut qui prit une mine effarouchée. Elle examina Bernard, ses pantalons élimés et raides, son veston étriqué, trop court des manches, l’inénarrable chapeau rond d’où sortait une tignasse ébouriffée ; elle lui trouva l’air d’un sacristain.

— Si vous venez pour le pain bénit, lui dit-elle en éclatant de rire, il est trop tôt.

Bernard, noir de honte et de colère, se taisait en fronçant les sourcils.

— De quoi, reprit-elle, on peut pas blaguer sans fâcher Mossieu ? Vous devez vous tromper d’étage, hein ? ici c’est chez le Zigue Blinkine.

La voix d’Abraham se fit entendre ; mais elle :

— Il dit rien, il est gelé. Je te disais bien que c’était la glace ». Et elle pouffa de rire.