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LA JEUNESSE DE RABEVEL

ce texte ! que ne combinait-on tel article et tel autre du Code : les voyez-vous, rapprochés, comme ils s’appliquent merveilleusement au cas en question ? Toutes ces arguties, cette intime connaissance de l’homme, passionnaient Bernard ; il émerveillait son maître qui lui disait en riant : « Vous avez le choix : ou bien remplacer le petit Frère Maninc quand il sera vieux ; ou devenir le premier financier de ce temps… à condition d’avoir des capitaux pour commencer ! » Bernard faisait une grimace amère : des capitaux ! et poussait un soupir de regret : il se savait précoce, résolvant en se jouant tous les problèmes de comptabilité, d’organisation financière ou de droit usuel avec une perspicacité sans pareille, trouvant la solution juste où des praticiens se fussent trompés. Le Frère Maninc en vint à lui confier des examens de livres dans les expertises dont on le chargeait. Bernard en concevait de l’orgueil ; il suivait attentivement les affaires litigieuses dans les journaux spéciaux ; mais parfois il se reprochait d’admirer tel aventurier particulièrement subtil qui avait su si bien tourner la loi sur les Sociétés ; il était heureux qu’on l’eût coffré tout de même comme si sa réussite eût dû l’exposer à une grande tentation. Souvent cependant il se disait que, les apologues juridiques du Frère Maninc venant tous de la Gazette des Tribunaux, la moralité n’en pouvait qu’être toujours exemplaire mais que, peut-être, il existait de par le monde des aventuriers plus subtils encore ou plus puissants qui vivaient tranquillement honorés de tous.