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LA JEUNESSE DE RABEVEL

dardant dans sa propre tête son épine empoisonnée, il crut pâmer ; jamais choc plus merveilleux ; il s’appuya au rocher, secoué d’un spasme ; et il tenait son cœur pour rejoindre au galop ses condisciples qui l’appelaient.

Ainsi, parfois, des signes paraissaient qui eussent pu lui révéler son climat véritable s’il avait été en âge de s’examiner avec fruit ; ces signes ne lui échappaient point mais il les dédiait à la partie la plus artificielle de lui-même, celle-là qui excitait le plus ses ardeurs du moment et, pour ce motif, lui semblait la plus vraie. Le Père Régard s’y trompait comme lui, cette piété sincère et si vive, ces élans passionnés le ravissaient et il n’y voyait pas le cheminement dérivant d’un tempérament de feu qui cherchait à s’évader par les voies d’une imagination voisine du délire, hors d’un corps intact. Angèle Mauléon, sa petite amie d’autrefois, l’avait un jour surpris sur la plage ; elle était venue là prendre les bains de mer avec sa tante ; non sans préméditation. Il la vit avec ennui. En maillot, grande, nerveuse et parfaite, elle évoluait dans les eaux comme un Triton. Mais l’enfant vierge n’en était pas ému. L’heureuse ignorance de ses sens lui faisait une vie extraordinairement belle ; sa sûre mémoire s’emplissait de sites terrestres et spirituels qu’il rapporta au collège où de temps à autre il se donnait le divertissement de les retrouver avec un mélange de ravissement et de regret. À peines était-on en Novembre que déjà il aspirait au mois de Juillet suivant pour retourner au Lazaret.