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LE MAL DES ARDENTS

Alors elle osa lui demander : « Mais, nous vous reverrons, Monsieur Rabevel ? » — Elle levait vers lui un regard clair et soumis. Cette soumission l’émut, fit dilater son âme impérieuse. Il ne réfléchit pas davantage et il comprit que c’était à cette minute même qu’il prenait la décision capitale de sa vie. Il la contempla avec douceur et répondit : « Je reviendrai demain, pour voir votre père ». Puis il ajouta : « Et surtout pour vous voir, si vous le permettez ». Elle lui fit une moue heureuse. Il dit enfin : « Il me tarde déjà, Mademoiselle Reine ». Elle baissa les yeux. « On m’attend » fit-elle. Elle se détourna ; et il se demandait s’il n’avait pas trop brusqué les choses quand, du seuil du salon, elle revint et sans toutefois arriver jusqu’à lui, lui dit à mi-voix et toute confuse : « Venez de bonne heure comme aujourd’hui ?… »

Il se rendit aussitôt chez Abraham. Angèle reposait : « Tant mieux, se dit-il, il n’y aura pas de crise. » Et s’adressant à son ami : « J’ai réfléchi, il vaut mieux que je me réinstalle chez moi ; ici, je compromettrais Angèle ; les gens sont méchants ; qu’il y ait une histoire quelconque, que la famille ait vent de ce qui s’est passé, tu vois d’ici le scandale. Il faut éviter cela. Quand elle sera guérie, je l’installerai dans un petit appartement, nous commencerons la procédure du divorce et nous ne vivrons ensemble que quand la situation sera bien réglée. En attendant, je viendrai la voir aussi souvent que je pourrai. »

— Je crois, répondit Abraham, qu’il est sage en effet de