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LE FINANCIER RABEVEL

d’une autre ; je ne peux plus te voir. Oui, je t’aime et je te plains, mais je ne puis te voir. Notre amour est fané, sali, piétiné par d’autres ; nous ne serions plus heureux. Toi dans les bras d’un autre ! Cette sale vision ne me quittera plus… Je t’en supplie. Angèle, va-t-en, va-t-en.

Elle se leva, les yeux ruisselants.

— Bernard ! Bernard !

Qu’il avait de peine et de pitié…

— Mais que vais-je devenir alors ? » dit-elle ; elle avait un air si désemparé !

Une bouffée de sauvagerie monta en Bernard comme des abîmes. Cette femme, si belle, si désirée, qu’il aimait tant, avait été à un autre. Une phrase de mélodrame résonna a ses oreilles. Ah ! la tuer !

Il le voyait réellement ce mari, cet homme ricanant à qui elle avait couru, pour qui elle l’avait abandonné. Son bras s’allongea vers un tiroir qui contenait son revolver acquis depuis peu. Il s’arrêta ; il porta la main à son front, eut un geste de fuite en avant.

— Rejoins-le, ton mari, s’écria-t-il, va avec lui, va l’embrasser ! Mais va-t-en, va-t-en !

Elle le regarda d’un air égaré dont il demeura saisi. Elle prit hâtivement son chapeau, son manteau, et, sans dire un mot, elle s’enfuit.

Il resta seul dans une grande stupeur soudaine. Puis, il sortit. Trouver un refuge… toute la journée, comme un chien errant, il courut la ville. Il étouffait d’une angoisse