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LE FINANCIER RABEVEL

insu, des bêtises, quoi ! Je ne lui ai jamais plus envoyé de pouvoir. Je ne sais pas comment il s’est arrangé depuis.

— Et vous avez bien fait, dit Bernard, c’est du sale monde.

Puis il changea de sujet de conversation.

Il voulut attendre que la veuve lui reparlât de la question ; mais elle n’y fit plus la moindre allusion ; et lui-même s’en tut par prudence. Par contre, elle se montrait avec eux de plus en plus affectueuse et témoignait à Angèle cette amitié qu’on ne montre qu’à ses obligés ; c’est la plus sûre, qui flatte notre orgueil. Au bout de quelques jours la jeune femme pouvait reprendre ses promenades mais il ne fallut pas songer à revenir à l’ancien logis. Madame Boynet gémissait sur la solitude qui allait être la sienne. Les deux jeunes gens avaient repris le lit commun, mais leurs amours étaient déchirées par l’idée de la séparation prochaine ; nuits de larmes et de tendresse, d’alternatives désespérées. Que leur réservait l’avenir ? — Pour le moment, dit Bernard, il n’y a rien à faire. Revois ton mari, mais garde-toi mienne ; cela te sera facile, tu es enceinte, il ne pourra en ressentir que de l’orgueil. Après son départ (qui ne tardera pas, je te l’assure) tu reviendras à Paris et dans quelque temps tu lui écriras pour le mettre en face du fait accompli. Après quoi vous divorcerez et tu seras ma femme.

Mais tous deux pensaient que la vie n’est pas si simple ; ils se rendaient compte à présent que l’irréparable était accompli ; ce qu’ils avaient d’abord appelé l’amour n’était