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LE FINANCIER RABEVEL

mutuel. Avec quelle curiosité profonde et passionnée il sondait son cœur !

À la gare ils demandèrent deux billets pour Capdenac afin de suivre la vallée du Lot. La belle rivière a creusé son lit au pied des grandes falaises crayeuses du Quercy. C’est le domaine des bruyères et des garrics. La rive droite est plate et grasse comme la vallée du Nil. Les paysans y cultivent les primeurs et groupent leurs maisons en villages heureux. Ils levaient la tête lorsque s’annonçait le petit train geignard et faisaient un signe d’accueil. Contre Bernard, à la portière, Angèle songeait. Son regard se posait sur lui, hésitait :

— Songe au bonheur de vivre ici ! Nous aurions une maisonnette au bord de l’eau. Nous serions seuls au monde. Nous n’aurions de loi que la nôtre. Tu ne t’ennuierais pas : le rêve, la méditation, la lecture, la promenade…

Mais, avec un sourire malicieux :

— Et Angèle aussi sans doute dont il faudrait s’occuper ? répondait Bernard.

— Bien sûr, disait-elle. Notre sort n’est-il pas là ? Ne le laissons-nous partir à chaque tour de roue ? Bernard, mon Bernard, songes-y à ce bonheur ! Le matin, nous irions sur notre terrasse, au bord de cette eau bleue qui coule comme notre vie vers l’inconnu. Elle serait parfumée des fleurs que tu aimes, le jasmin, la verveine, le chèvrefeuille…

— Et que me dirais-tu sur cette terrasse ?