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LE MAL DES ARDENTS

Barbacane. Comme elle leur paraissait douce et mélancolique la ville rouge et grise qui s’assoupissait ! Le crépuscule convient si bien à sa beauté très ancienne ! Les tours, les coupoles, les clochers rêvent encore dans la gloire du soleil, alors que les constructions plébéiennes, plus jeunes, s’enfoncent déjà dans l’ombre chaude de la nuit. Le soleil quitte la ville à regret comme un amant. Et quelle maîtresse digne de lui ? Elle est à souhait Psyché la ville de l’esprit.

— Il semble qu’elle va dormir, disait Bernard. Regarde-la ; elle rêvera, elle rêve déjà.

Ils écoutaient, vers le moulin, le Lot qui presse la ville, l’entoure, la berce. Il leur semblait qu’elle s’abandonnât, la voluptueuse, à cette eau mourante, qu’on eût dit amoureuse d’elle comme le soleil.

Ainsi vivaient-ils dans l’amour comme dans une étrange allégresse et sans souci du lendemain.

Mais un matin qu’Angèle s’était levée alors que l’aube blanchissait à peine l’horizon, elle éveilla Bernard d’un long baiser.

— Nous partons, dit-elle. Nous quittons Psyché. Nous lui ferons un bel adieu mélancolique et nous prendrons le petit train poussif qui court le long de la rivière.

— Mais, où allons-nous ?

— À l’aventure, répondit-elle. Nous nous arrêterons quand se produira le miracle que j’attends.

— Quel miracle attends-tu, enfant ? » se disait Bernard. Il sentait si bien que tous deux s’affinaient à leur contact