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LE MAL DES ARDENTS

n’est pas clos. Je représente ici, en dehors de mes idées propres et de celles de Monsieur Abraham Blinkine mon mandataire les sentiments de beaucoup d’autres porteurs d’actions. Ils sont comme moi dans l’impossibilité de faire prévaloir ces sentiments puisque leur vote qui vous blâmera ne saurait l’emporter sur la majorité que vous formez. Nous ne cherchons donc pas à remplacer ce conseil qui nous mène à la ruine ; mais nous désirons connaître comment ce conseil compte parfaire sa besogne, c’est-à-dire à quelle sauce nous devons être mangés. Satisfaction platonique, direz-vous. Oui, que voulez-vous, la seule qui nous soit permise !

Une rumeur approbative salua ce petit discours. Évidemment tous les petits actionnaires qui étaient là déploraient leur impuissance et cachaient mal leur colère. Bordes le comprit et répondit posément.

— Monsieur Rabevel, permettez-moi d’être surpris que la campagne à laquelle je faisais tout à l’heure allusion ait pu trouver chez vous une oreille complaisante ; vous êtes trop averti des affaires pour…

— Du tout, du tout, ne déplacez pas la question. J’ai suivi « la campagne » dont vous parlez, comme tout le monde, et j’ai été frappé au contraire de son ton impartial ; mais ce n’est pas cela qui m’inquiète ; ce qui m’inquiète c’est la diminution constante et progressive des bénéfices, le mouvement singulier de la trésorerie, la proportion énorme des frais généraux et des gratifications allouées à certains