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LE MAL DES ARDENTS

Il devait reprendre la voiture le lendemain à neuf heures. À sept heures et demie il était debout. Il s’habilla rapidement, boucla sa valise ; il resta un moment pensif à la fenêtre ; le temps s’était assombri, les nuages cachaient l’aurore, mais le paysage immobile conservait sa lividité et sa muette grandeur ; il revint à son bagage, désœuvré, hésitant, obsédé d’une pensée informulée ; il s’accouda de nouveau à la croisée et s’oublia dans une contemplation mélancolique. La pendule sonna, il se retourna brusquement : huit heures et demie ! il ouvrit la porte ; dans l’ombre, une forme qui semblait attendre se jeta vers lui, un visage trempé de larmes toucha sa joue, des lèvres se collèrent aux siennes, les gémissements étouffés, les sanglots qui secouaient le corps délicieux le firent trembler. Mais un pas résonna dans l’escalier ; ils se disjoignirent, elle regagna sa chambre sur la pointe des pieds tandis qu’il descendait. Ainsi à peine avaient-ils eu le temps de s’embrasser sans pouvoir même prononcer une parole.

— « Je venais vous appeler », dit Mauléon, car c’était le bruit de ses pas qui les avait séparés. « Je craignais que vous ne vous fussiez oublié ».

— Eh ! c’est qu’alors je serais furieusement en retard ! Tandis qu’il déjeunait, Bernard écoutait son interlocuteur et attendait avec impatience qu’il abordât la question qui leur tenait au cœur. Après mille circonlocutions que le jeune homme ne paraissait pas comprendre, écoutant d’une mine candide et sans avoir