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LE MAL DES ARDENTS

Le maître parlait debout, sobre de gestes, avec une autorité simple mais assurée. Il sembla à Bernard qu’il le voyait pour la première fois. La figure était toute rasée, vieillie prématurément, basanée, ridée ; l’œil vif mais souvent rêveur sous des sourcils obliques (les sourcils d’Angèle), le nez droit, les oreilles rouges avec de minuscules anneaux d’or, et sur la tête le chapeau à grandes ailes qu’on ne quitte jamais au Rouergue même à table. Les trois valets mangeaient leur soupe avec grand bruit, servis par Mandine. Ils approuvaient de la tête les paroles du maître.

— Vous, Roumégous, vous jugulerez Caillor et Fauvet.

— Fauvet est bien fatigué, notre maître, il ne se réconforte pas vite du coup de galoche que lui a baillé la jument de Rébel dans le chemin de Ségrassiés.

— Ah ! bougre, c’est vrai, il faudra que j’aille voir ce coup de nouveau. Il n’a pas plus mauvaise mine, au moins ?

— Non, notre maître, ça irait plutôt mieux, mais la bête est mignarde à cette heure.

— Eh bien ! vous prendrez Laouret.

— Faites excuse, notre maître, mais il tire de traviol avec Caillor. Il vaudrait mieux Roussel.

— Allons, vous avez peur de Laouret, vous aussi ; prenez Roussel avec Caillor. Vous les attellerez à la houe et vous irez refendre les billons au Prunet. Dès qu’ils seront ouverts et que le vent quercynois les aura essuyés vous les herserez et vous les roulerez.

— Et toi, Totumard, tu iras greffer les sauvageons.