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LE FINANCIER RABEVEL

haute : « Mais qu’as-tu donc ? François ?… Il est à deux mille kilomètres d’ici en plein océan ». Elle eut la force de refermer la porte et de venir tomber dans ses bras en sanglotant de bonheur. « Ah ! oui, elle m’aime » pensa Bernard ; et il sentit à ce moment dans sa plénitude une impression de puissance, d’orgueil et de sécurité. En mots entrecoupés, Angèle lui expliquait : « C’est le chasseur…cet imbécile… Il m’a dit : Monsieur Régis est arrivé… il vous attend au salon… quelle émotion inutile… » — « Pas inutile, dit Bernard, elle me prouve que tu m’aimes et m’attache davantage à toi ». — « Ah ! fit-elle d’une voix inconsciemment pathétique, te faut-il donc encore des preuves de mon amour ? »

Ils passèrent à table ; il voulut une petite fête, commanda des mets exquis et, sur la nappe, fit porter des fleurs, si rares en cette saison ; il la contraignit à boire du champagne qu’elle adorait mais dont elle se défiait ; et elle fut vite étourdie. Alors seulement il lui parla de François et vit qu’elle n’y pensait déjà plus. Il lui expliqua qu’il y avait eu une confusion au sémaphore et que son mari ne rentrerait pas avant le 15 Janvier. Elle l’écoutait vaguement, sans pensées bien précises, un peu ennuyée de cette évocation, heureuse auprès de lui. Mais quand il ajouta : « Et nous deux, qu’allons-nous faire ? » elle sursauta ; elle n’y songeait plus : c’était si simple de vivre ainsi, toute la vie, tous deux. Bernard l’observait de son œil aigu ; tout en ce visage continuait de l’attirer : pas une beauté de ces