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LE MAL DES ARDENTS

fois pour toutes qu’ils se méprennent sur mon rôle et ma capacité. Je suis guidé par quelques principes généraux d’expérience et de bon sens ; je les ai appliqués dans ce journal, par exemple, à la société Bordes et j’ai annoncé ma conviction certaine de la chute de ce titre ; le même hasard eût pu me les faire appliquer au titre du Crédit Foncier qui, pour des raisons à mon avis irréfutables, doit doubler en dix ans. Mais je n’ai nullement l’intention de donner des conseils sur tel ou tel placement. La seule chose qui m’intéresse est la philosophie des affaires : je ne nommerai plus aucune entreprise parmi les vivantes, je le répète ».

Blinkine qu’inquiétait, comme bien on pense, cette désolante aventure, se rendit un jour aux bureaux du journal et se fit conduire au gérant qui répondait au nom de Duchamp. Il fut introduit dans une pièce vide de livres et de papiers mais dont les murs étaient garnis de fleurets, de gants de boxe, de masques d’escrime et d’accessoires de gymnastique, de pistolets, de brevets de championnats. L’homme, une sorte de géant, faisait, le torse nu, un assaut à l’épée boutonnée avec son maître d’armes. Il se détourna pour dire : « Je suis à vous dans un instant ».

Mais Blinkine avait compris ; il fut sur le point de s’en aller : C’est le truc habituel, tout le monde se défile et on ne trouve qu’un mastodonte prêt à vous abîmer le portrait à la moindre réclamation ». Puis il se dit : « Mais avec de l’argent ? » Et il se résolut à rester.