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LE FINANCIER RABEVEL

parfois dans l’esprit. J’étais alors la divette à la mode, je chantais dans tous les cafés-concerts, je créai même une pièce aux Variétés ; dire que j’étais Madame Mulot, avouer un enfant déjà grand…

— Oui, les apparences d’une vie normale vous eussent porté tort dans votre carrière, répliqua Bernard ironiquement.

— Ne m’accablez pas, Bernard. Maintenant c’est fini. J’avoue que j’aime le luxe, la toilette, les soirées, le théâtre, je crois que je n’accepterai jamais de vieillir mais, allez, je serai la plus droite, la plus raisonnable des femmes. Restez avec nous ; et vous serez ma joie, ma sauvegarde. Vous allez voir, votre père va rentrer, il saura arranger les affaires que vous avez ensemble ; il vous aidera dans la vie, il vous adoptera. Vous savez qu’il a une situation considérable dans le monde financier, il vous préparera à lui succéder, il vous donnera son nom. Bernard réfléchissait ; sa mère était depuis quinze ans Madame Mulot de la Kardouilière ; qui donc irait chercher la Farnésina sous ce nom ? le dernier obstacle à son mariage avec Reine disparaissait : il était le fils que Madame de la Kardouilière, une personne titrée et fort respectable, avait eu d’un premier lit ; nul ne soupçonnerait jamais l’indignité de la courtisane que cachait trop bien ce beau nom. Il se sentit bien aise, tout disposé à l’indulgence, à la tendresse, à cette vie familiale sans heurt qui l’attendait. Il embrassa sa mère avec gentillesse.