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LE MAL DES ARDENTS

mouillée dont toutes les inflexions lui rappelaient une caresse physique, cette chère voix de perle et de cristal. Elle l’apaisait, le réconfortait, faisait pénétrer peu à peu en lui la certitude de la tranquillité future, d’une sorte de bonheur nouveau, de cette tendresse familiale qui lui était inconnue. Mulot ne lui parut plus si odieux, ni sa mère si coupable. Il était déjà convaincu qu’ils l’attendaient pour reconstruire une vie régulière, calme, parfaite aux yeux de tous. Il sentit pour la première fois le besoin de dire : « Papa, maman » ces mots qui lui avaient toujours été interdits.

Il quitta Angèle tout transformé et gagna la rue Marbeuf. Sa mère le reçut aussitôt. Tous deux étaient bien embarrassés.

— Vous êtes seule ? demanda Bernard pour rompre le silence.

— Oui, dit-elle, votre père,… mon mari est chez Blinkine. Il fronça les sourcils :

— Votre mari ?

— Nous sommes mariés, Bernard. Monsieur Mulot a voulu régulariser la situation il y a quinze ans au moment d’une grave maladie, pour que je ne fusse pas inquiétée par sa famille au cas où il disparaîtrait.

— Vous n’avez guère songé à votre fils à ce moment, dit Bernard.

— Ah ! pardonnez-moi, vous ne savez pas ce que j’ai