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LE FINANCIER RABEVEL

Il s’éloigna sans affectation, un peu troublé ; le faisceau d’un projecteur qui avait pour rôle de donner au dialogue indigent « l’atmosphère d’amour » de la scène finale, effleura rapidement le visage de la Farnésina ; la patte d’oie apparut à la tempe sous l’artifice des fards. « Cette pauvre chère chose, ce n’est qu’une femme usagée, une vieille chochotte », se dit-il avec la cruauté de son âge. Son regard glissa jusqu’aux épaules : « Elle reste tout de même belle » ; mais, assez étrangement, comme si elle eût deviné ses pensées et qu’elle en fût maintenant gênée, la courtisane ramena une écharpe qui la voila. Le rideau tombait. On se leva. Bernard n’eut plus devant lui qu’une femme agacée qui accepta de méchante humeur l’aide qu’il lui offrait pour remettre son manteau. Le jeune homme fut vexé. Il fut partagé entre le désir de s’en aller et celui de se venger. Zut, après tout, pour cette vieille grue qui après lui avoir fait la cour posait maintenant à la reine offensée. Il prit ostensiblement congé de Ramon. Mais avant que celui-ci put ouvrir la bouche :

— Quoi ! dit la Farnésina, est-il désagréable celui-là ! Il fait de la neurasthénie, alors ? Il vient, il bavarde, il fait l’aimable ; après ça, il prend des mines renfrognées d’examinateur et parle de fiche son camp. Mon petit, tout marquis que vous êtes, vous pourriez vous montrer plus galant. Quant à vous, Ramon, si votre cousin s’en va, vous pouvez le suivre et que je ne vous voie plus. En voilà un genre, alors ! C’est la première fais qu’on me laisserait tomber.