Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
LE MAL DES ARDENTS

— À ton gré.

Ils s’installèrent dans une avant-scène. Bernard suivait, avec son application habituelle à toute chose, l’intrigue d’une pièce écrite selon la recette de ce théâtre ; une intrigue grivoise menée par des pantins tout artificiels dans une langue où fusaient à chaque instant des mots drôles. « Dieu que c’est bête ! » se disait-il, mais il ne pouvait s’empêcher de sourire.

Ramon le toucha au coude :

— « Je crois que ton visage de Werther révolté fait son petit effet, dit-il, tourne-toi vers l’avant-scène en face, il en vient des regards qui s’attardent sur toi assez complaisamment.

— Ils sont pour toi, rétorqua Bernard sans même jeter les yeux du côté qu’on lui indiquait.

— Mais non, je suis dans l’ombre, invisible. Oh ! oh ! on prend des lorgnettes. Te voilà sur le chemin de la gloire parisienne.

Bernard se mordit les lèvres pour ne pas rire. C’était un Vénézuélien qui lui disait cela ; elle était jolie la gloire parisienne, la réputation dans un cercle de demi-mondaines, de cabots et de rastas ! Mais Ramon poursuivait :

— Ça ne t’émeut pas ! La Farnésina te regarde et tu t’en moques !

— « La Farnésina ! »… Il se retourna ; il vit une belle femme aux traits de Junon, un peu durs, au menton ferme, à la chair mate et dont les yeux très noirs aussi-