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LA FIN DE RABEVEL

pas ma raison qui se révolte contre la Divinité ; encore une fois ma tempe est prête à l’accueillir, à ne pas s’insurger contre le mal. Elle s’étonne seulement de ne pouvoir accueillir ce Dieu en le voulant. La grâce me manque je te dis, la grâce ! et ne manque-t-elle pas aussi à Angèle ? Si nous sommes entraînés dans ce tourbillon qui nous roule si terriblement, n’est-ce pas cette parenté de damnés qui nous a unis étroitement ? Elle s’abêtit pourtant, Angèle, elle ne manque pas sa messe quotidienne, elle a la crainte du péché et l’horreur. Et pourtant. Tiens, tu l’as confessée, tu sais donc que cette nuit elle a commis l’offense la plus grave envers le Créateur, la tentative de suicide, le crime qui s’appelle : Désespoir… Eh ! bien, pourquoi est-elle désespérée, sinon parce que, de tous ses efforts, elle appelle Dieu et que celui-ci, après lui avoir clairement montré la gravité du péché, l’abandonne sans sa grâce… Que diras-tu, Abraham, homme d’équité ?

Le moine répondit que c’était sa propre faute :

— Sans doute, dit-il, ai-je mal dirigé cette âme si délicate, si complexe. Il faut que je change ma thérapeutique, que je prie et que je veille pour que Dieu m’éclaire sur la voie que je dois suivre moi-même. Mais, encore une fois, promets-moi de ne plus tenter cette âme.

— Promets-moi, Abraham que je pourrai vivre sans elle !

— Ah ! fit le moine en se levant, pécheur qui te complais dans ton péché ! que la colère divine t’épargne… Je revien-