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LA FIN DE RABEVEL

de peau. La belle nuque infléchie et vivante ! se disait Rabevel, colonne d’un beau temple sans artifice, simple et nu ! Elle s’offrait à la caresse. À la limite de leur domaine il lui semblait que les petits cheveux ne pûssent quitter qu’à regret la fossette où ils l’invitaient au baiser.

— Que l’innocence fleurit en elle avec éclat, pensait-il comme Angèle se retournait, elle est toujours aussi fraîche, aussi candide qu’une vierge !

Ils achevaient de déjeuner quand se présenta un homme poussif et bougon qui demandait Rabevel ; on l’introduisit et Mauléon le reconnut aussitôt : c’était M. Béral, fondé de pouvoirs de la Cie Carrézas. À maintes reprises, cet individu qui s’était montré patelin pendant les négociations préparatoires à l’achat des machines, avait, depuis la signature du contrat, fait preuve d’une grossièreté qui terrifiait le bonhomme. Il croyait à l’efficacité de la bousculade ; il existe un bluff de la brutalité qui peut en effet avoir ses vertus en certaines circonstances et Monsieur Béral prétendait dans le secret des conseils d’administration que ce bluff lui avait toujours réussi.

Il se laissa tomber sur une chaise que lui offrait Mauléon timide et déjà décontenancé, n’écouta pas les présentations et avala coup sur coup deux verres de vin doux en clappant de la langue.

— Il est bon, dit-il, c’est de chez vous ? Oui ? Eh ! Eh ! il sera peut-être bientôt nôtre alors ?…

Il fit un gros rire satisfait, puis :