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LE MAL DES ARDENTS

Ainsi que Rabevel l’avait souhaité, ces premiers jours de Septembre étaient devenus pour elle un terme redoutable qui fascinait son esprit sans cesse tourné vers lui. Elle ne se connaissait plus. À ses moments les plus purs, elle se rendait compte tout à coup qu’une partie d’elle-même demeurait réservée, disponible aux atteintes d’une immense espérance clandestine encore informulée ; la vie quotidienne, les menus soins, l’essentiel de l’existence lui paraissaient des riens devant cet infini qu’elle ne s’avouait pas. Parfois, du milieu de sa conscience informe, jaillissaient des élans d’une sauvagerie telle qu’elle en restait interdite. Dans cette solitude où elle vivait et qui eût dû l’orienter au calme, certaines images, venues elle ne savait d’où, apparaissaient, plongeaient dans son abîme et y trouvaient toujours, à son désespoir sans cesse renouvelé, un tremplin sans pareil, une élasticité intacte et dirigée qui les faisait immanquablement rebondir vers les désirs voluptueux. Absente et présente à elle-même, abandonnée aux mains d’un passé qui la traînait comme une forme sans visage, elle laissait le persécuteur affermir son empire et devenir peu à peu son grand remords et son grand délice. Hélas ! à quels périls courait-elle ? Ses réserves de courage fondues d’un coup, remises à l’ennemi par tant d’intelligences sournoises qui palpitaient dans la place, il lui arrivait quelquefois de percevoir subitement l’emblée déroutante d’une panique ; gémissante sur son lit, tout écartelée dans le demi-sommeil des nuits d’été, elle se livrait enfin aux supplices de la