Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
LA FIN DE RABEVEL

péché, ébranlait sur le moment sa confiance dans la grâce divine ; cette pauvre âme était pourtant pleine de bonne volonté, pourquoi Dieu l’abandonnait-il ainsi au moindre signe de péril ? Quand il sut que Rabevel devait venir au mois de Septembre il s’inquiéta davantage encore. Quel traitement saurait cautériser cette âme dévorée et la rendre impénétrable aux aiguillons délicieux de la tentation prochaine ? Aussi tourmenté que sa pénitente, quand il l’eut, avec une douceur infinie, conseillée et consolée, il l’exhorta aux prières, à la méditation, aux dures travaux et à l’examen régulier de son âme ; il lui promit de prier lui-même tous les jours et de célébrer à son intention le saint sacrifice. Elle le quitta passagèrement pansée, mais Abraham ne se berçait d’aucune illusion sur le danger qu’elle courait encore ; il demanda au Prieur, comme la règle l’y autorisait, de consacrer à certaine de ses pénitentes les prières de la communauté pendant quelques jours et, désormais, aux heures des offices, le matin, le soir, tandis qu’elle travaillait ou méditait, la nuit, à Ténèbres ou Matines, tandis qu’elle dormait ou que l’angoisse la retournait cent fois dans son lit, durant toute une semaine les voix monacales psalmodièrent sur l’exhortation de leur Prieur les prières répétées du Rosaire, intercédant auprès de la Vierge « pour une pauvre âme en danger »,

Mais Angèle ne retrouvait pas la paix ; Abraham ne la revit plus qu’en proie aux mêmes inquiétudes désordonnées.