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LE MAL DES ARDENTS

impossible. La faire rester à Paris quelques jours ?… Il sentit, malgré l’inconsciente bassesse du désir charnel, comme le chantage serait net et qu’elle le mépriserait ; elle ne céderait pas peut-être et, en tous cas, il ne la reverrait plus. Non, il valait mieux l’accompagner ces quelques jours, ranimer les espoirs, les souvenirs, et les feux éteints, la laisser respectueusement libre d’elle-même et qu’elle partît ; il fixerait une date, irait à la Commanderie dans quelques mois ; ainsi vivrait-elle dans la fièvre et l’attente et n’aurait-il qu’à cueillir ce fruit tourmenté de l’orage et fermentant de son tourment. Il la ferait revenir à Paris pour élever son fils, son Olivier (si splendide, ce petit !) il l’installerait ; la vie redeviendrait enfin possible ; ou plutôt il aurait la seule existence digne de porter ce nom, car, enfin, il ne pouvait songer à vivre toujours sans cette femme qui était tout pour lui (il le sentait maintenant plus fort que jamais) et sans cet enfant. Cet enfant. Il sourit d’attendrissement ; vraiment, quelle douceur, il se sentait amant et père comblé.

— Vous souriez, dit Angèle.

— Non. C’est un tic », répondit-il, aussitôt à la parade comme avec un adversaire. Il se reprit.

— Je plaisante. Je souris de tant d’efforts dépensés en pure perte…

Mauléon fit un geste de désespoir, Angèle baissa le front, accablée.

— En pure perte. Il était bien inutile d’user tant d’éloquence pour persuader un converti.