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LA FIN DE RABEVEL

Et comme les deux hommes se taisaient :

— Ha ! fit-elle farouche, tenir le criminel et quel qu’il soit, le voir à son tour expirer de la même mort…

Un silence profond régnait. Marc était d’une telle lividité qu’il faisait peur. Mais elle ne s’en aperçut pas.

— On ne sait pas, dit-elle, quel amour peut inspirer une mère. J’ignorais combien je l’aimais. Toute mon âme réprouvait sa conduite, j’ai souvent cru que je la méprisais. Mais, à présent, je me souviens des jours passés, de mon enfance. Elle a soutenu mes premiers pas, elle m’aimait. Mon père, peut-être plus droit cependant, m’avait témoigné peu d’affection. Elle, même partageant son existence avec cet étranger, me gardait une tendresse constante dont je recevais des preuves nombreuses… Maintenant, seulement, je me rends compte qu’elle m’aimait — et, seule, ma douleur m’a fait voir combien je l’aimais aussi. Hélas ! que suis-je à présent, abandonnée…

Puis soudain :

— Mais s’il y a un Dieu, il punira le criminel… Ceux qui le découvriront, oublieront-ils qu’il n’y a rien de plus sacré que la douleur des orphelins ? ne le puniront-ils pas ? Sinon, Monsieur Noë, qu’est-ce que ce serait que la justice, votre justice ?

Elle posa cette question avec une telle véhémence qu’ils en demeurèrent saisis. Mais tant d’efforts l’avaient brisée. Elle voulut se lever et retomba sur son siège, évanouie.

Marc paraissait pétrifié.