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LE MAL DES ARDENTS

La pauvre petite Reine abandonnée, inconsolable, visitée par le seul Louis Gontil, son petit poëte misérable et charmant ; François mort, tué par qui ?… Angèle… tuée par qui ?… Il frissonnait, se sentait gagné par un désespoir total. Blinkine d’abord sauvé, retournant à son doute, par la faute de qui ?… et expiant au fond de quelque trappe les lancinations de son intelligence… Et son fils, ce pauvre Olivier… Il ne pensait même pas à son fils légitime, Jean, soigneusement mis à l’abri pendant la guerre et tué en sortant du théâtre par une bombe de gotha. Mais Olivier, son Olivier. Quel chemin suivait-il ? Et rien qui pût le retenir. En présence du jeune homme, il refaisait malgré lui ses théories élaborées avec complaisance, il les refusait avec violence, horreur, sous la pression d’une invincible puissance, heureux de sentir un frémissement parent dans la chair de sa chair et ne résistant pas à la promesse de ce frémissement.

Ah ! certes, il savait bien que ces paroles déprimaient toujours Olivier, tant elles parvenaient à dissoudre sous les apparences de la raison les fondements mêmes de la morale et de l’entendement.

— Le bon sens nous incline à croire, lui disait-il un jour, que nul ne peut s’évader de lui-même. Le bon sens est peu de chose puisqu’il est à peu près le sens commun ? Comment ne pas s’inquiéter des ondes qui nous effleurent, de l’extériorisation incontestable qui nous les fait percevoir. N’y a-t-il pas une communication sans intermédiaire entre