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LE MAL DES ARDENTS

de l’ambulance tâchant de vaincre la lourde monotonie des jours et de se distraire en se rendant utile.

Comme il allait, un soir, rendre visite à un jeune soldat dont l’état grave avait nécessité l’isolement, il croisa un infirmier qui lui dit :

— Si vous allez voir le 29, Sergent, vous ne le trouverez pas ; il est mort ce matin et on l’a déjà enlevé.

— Le pauvre gosse ! fit Marc qui sentit les larmes lui monter aux yeux.

— Oui, répondit l’infirmier, c’était un bon petit gars. On l’a déjà remplacé par un autre qui n’est guère en meilleur état.

— Je vais le voir, dit Marc.

Au moment où il approchait de la petite chambre il entendit la voix de la sœur infirmière :

— Oh ! disait-elle, c’est bien, cela ! vous portez des médailles à votre cou !

— Ma sœur, répondit une voix faible, ce ne sont pas des médailles religieuses. Ce sont des portraits. Dans ma famille, chacun des hommes fait graver son portrait à l’âge de vingt ans et nous conservons ces effigies.

La Sœur s’émerveillait — il y avait là des médailles anciennes…

La voix reprit :

— Voyez, celui-ci est mon trisaïeul Jacques (1760-1788) : il fut matelot sous Suffren ; il périt en Océanie avec La Pérouse eux Îles Vanikoro. Celui-ci est Colas, son fils,