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LE MAL DES ARDENTS

de la femme, voulut se reprendre ; mais elle était déjà partie. Rabevel l’accueillit avec un rire impitoyable. Il prolongea son supplice, la voulut nue, inerte, la tête tombante comme une égorgée. Il lui sembla qu’il allait la pourrir de sa chaude haleine, qu’il allait faire fermenter dans cette aridité orageuse le goût de luxure dont il était lui-même obsédé. Il la reprit, lui souffla peu à peu le désir, la mena, abandonnée des Dieux au devant de sa damnation. Elle se débattit, visita les confesseurs, fit connaître l’effroyable chantage dont elle était l’objet. Ses directeurs hésitèrent : ils devinaient le désespoir proche et cette âme devait-elle donc être perdue ?

C’est au milieu de ces traverses que lui arriva un jour ce qu’elle appela tout de suite le grand malheur. Elle était enceinte. C’était au début de 1914. Olivier et François avaient reçu leur ordre de retour. Rabevel fut saisi d’une terrible frayeur. Il la fit examiner ; aucun médecin ne la voulut délivrer ; elle était robuste, bien portante, faite pour la maternité. D’ailleurs, Angèle ne consentait pas à entendre parler d’avortement. Après quelques semaines d’abattement, elle s’était reprise à vivre. « J’ai péché, se disait-elle, je suis punie, mais lui sera puni aussi et les miens seront sauvés ». François venait de lui écrire qu’il avait acquis une plantation à Raïatea et qu’il s’y fixerait dès qu’il serait guéri des fièvres contractées dans son îlot. Olivier allait venir. Quelle serait l’explication avec Rabevel ? Terrible sans doute pour celui-ci qui d’ailleurs craignait le retour de François plus