Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
LE MAL DES ARDENTS

sur les mœurs de ses employés. Seuls, Clavenon et une jeune employée se tenaient proprement ; et naturellement à cause même de leur attitude réservée qui marquait fatalement un incelable mépris, ils faisaient l’objet de multiples rapports, de calomnies, d’accusations que Bernard finissait par accueillir. Il fut même sur le point de renvoyer Clavenon. Mais l’attitude froide, clairvoyante, évidemment nette de celui-ci, lui en imposa. Il comprit que cet homme valait mieux que lui et même que cet homme le plaignait. Il en conçut de l’amertume, du dépit, une sorte de découragement.

Comment sa barque n’allait-elle pas à la dérive ? C’est que malgré tout, sa main violente et sûre n’en lâchait pas la barre. Il était plus imprudent qu’auparavant. Ses besoins d’argent, son avidité accrue, le poussaient à des affaires qu’il eût auparavant négligées. « Il est comme le moine de Mirbeau, disait cette vieille fripouille de Rethier, dès qu’il voit un louis d’or il saute dessus avec les dents même si ce louis est coincé dans la fente d’un cul ». Quelques escrocs surent exploiter cet aveuglement et mener à des faillites retentissantes des affaires qu’il avait fait siennes. Mais il se tirait toujours des pires traquenards par des manœuvres parfois coupables mais d’une telle dextérité que, souvent soupçonné par la justice, il ne fut jamais arrêté. À mesure pourtant que le volume de ses affaires s’accroissait, qu’il fréquentait plus de banquiers, et d’hommes d’affaires, il en arrivait à pénétrer dans le monde de la finance le plus