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LA FIN DE RABEVEL

— Ah ! Isabelle ! dit Marc, ne songez plus à lui ! Olivier ne guérira que lorsqu’il aura mis pour longtemps les pieds sur un bateau ou ne le quittera plus que pour une bourgade perdue dans le sein d’un îlot, au fond du Pacifique Austral. Qu’il ne vienne plus se frotter à cette société dont il prend à la lettre les délassements et dont il confond les vices et les enthousiasmes les plus nobles ! Ce n’est pas à Raïatea qu’il verra une salle d’honnêtes bourgeois applaudir à des pièces sanguinaires et luxurieuses qui l’exalteraient ; il y vivra purement et simplement la sorte de vie normale pour quoi il est fait. Il n’a pas été mithridatisé comme nous, dès l’enfance, contre les excès du siècle. Qu’il retourne à la vie libre !

Quelle tristesse, quel déchirement apparurent dans les yeux d’Isabelle ! Hélas ! perdre Olivier…

Mais Marc très doucement :

— Vous feriez peut-être un jour, plus tard, quand il sera assagi par quelques secousses comme celle-ci, son bonheur et le vôtre. Mais vous savez bien que vous n’êtes pas de la race de l’aventure.

— Ah ! s’écria-t-elle, mon cher Marc, où n’irais-je avec lui !

— Abandonneriez-vous votre oncle ?

Elle baissa la tête, vaincue ; elle sortit sans pouvoir prononcer une parole ni retenir ses larmes tandis que, le cœur serré, ils la regardaient en silence.

— Quelle enfant digne d’être aimée ! dit Noë quand la porte se fut refermée.