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LA FIN DE RABEVEL

que l’agrément qu’y trouvait Ronsard sans cette espèce de panthéisme gnan-gnan où ils s’exaltent et se dissolvent. Ainsi on fera des hommes dignes de ce nom.

— Ils n’auront peut-être pas les mêmes jouissances que Bernard ou qu’Olivier, dit pensivement Isabelle qui se rappelait les joies de son ami.

— Ils n’y perdront rien puisqu’ils ne les connaîtront pas ; et s’ils veulent un but à leur besoin d’exaltation qu’ils s’éprennent de quelque bel idéal de justice et de grandeur !

Marc sourit sans rien dire.

— Voyez, reprit Noë, ce qu’est devenu Olivier. Il était fait pour vivre une vie de corsaire ou d’explorateur. Quel gentilhomme de fortune il eût été au temps des Jean Bart ou des Suffren ! Quel soldat au temps des Montcalm ! Il apporte au continent une âme vierge brûlée du désir de la vie et de l’action et il la corrompt, la perd, va partir et perd qui ? Vous, Isabelle, la seule personne qu’il aimât !…

Isabelle essuyait ses yeux.

— Pardon… dit Noë avec émotion.

— De quoi a-t-il suffi, poursuivit-il ? de la rencontre d’exaltés comme lui, d’exaltés qui n’avaient pas un champ physique suffisant pour leur fièvre ; d’exaltés civilisés qui ne pouvaient lasser et assouvir leur corps et leur esprit insatiables autrement que dans les pires débauches. Qu’était ce Rabevel avant Balbine ? Un bandit de génie qui opérait dans la finance au lieu d’opérer sur les grandes routes…

— C’est vrai, fit Marc frappé. Il faut le voir dans son