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LA FIN DE RABEVEL

Marc eut pitié :

— Après tout, dit-il, ce livre, on vous l’a peut-être prêté ?

Elle fit mine d’acquiescer ; mais ses yeux rencontrèrent le regard d’Olivier perdu dans une telle allégresse ! Le cœur lui manqua tout à coup tant elle fut heureuse ; ainsi se révéla à elle-même dans sa plénitude son besoin d’oublier ses tristesses, d’aimer, d’être aimée…

Et pour Olivier lui-même, sous les traits séduisants de cette Isabelle, ne s’offraient-elles pas à cet instant ces roses, les plus rouges et les plus violentes qu’il pût désirer cueillir ?…

Bernard exultait. Était-elle adroite cette petite ? Il se tourna vers Angèle qui assistait sans rien dire à la scène. Ils vivaient tous deux en bons camarades ; ces quelques années passées côte à côte sans que l’armateur se permît jamais un mot ou un geste équivoques avaient fini par endormir sa méfiance. L’intérêt que Rabevel portait à Olivier l’émouvait dans le secret de son cœur : elle vivait tranquille, heureuse presque, dans la paix du devoir. Elle ne changeait guère : les mois se succédaient sans la vieillir ; sa quarantaine était resplendissante de la même beauté à peine tempérée par la modestie que lui donnaient ses remords. Peu à peu, l’amour de François l’avait conquise : elle s’était faite plus sensible à l’effort et aux fatigues du pauvre homme qui peinait pour faire vivre deux êtres adorés dont l’un n’était pas son fils, dont l’autre avait été davantage la femme d’un