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LE MAL DES ARDENTS

Mais il se connaissait. Il avait pris Clavenon comme caissier pour réparer dans la mesure du possible la catastrophe qu’il avait causée dans cette famille, pour se rendre propice le Destin. Il comptait aussi à force de voir cet homme, s’habituer au visage de son idée, émousser sa crainte, reconquérir la liberté de son esprit. Alors on verrait avec cette Angèle qui croyait le narguer.

Cependant le temps s’écoulait. Les mois suivaient les mois. Rien ne se passait qui put accrocher une raison de changer. Bernard finissait par trouver de la douceur aux réunions de ces trois femmes qui lui étaient chères à un titre différent. Il réclamait que ces réunions se fissent chez lui, bavardait avec Noë, surveillait les enfants et guidait leurs travaux. Ses affaires continuaient à prospérer ; il devenait un peu nonchalant, l’excès considérable de ses revenus ne lui laissant pas d’aiguillon. Il effectua des voyages d’inspection qui lui donnèrent de la distraction, changèrent ses idées le ramenèrent plus sain et plus vif au foyer. Les succès de Marc et d’Olivier compensaient l’amertume que lui causait l’impavide et incompréhensive paresse de Jean. Quand, à leur seizième année, il les ramena chargés de prix et de couronnes, il lui sembla que le triomphe de ces enfants était plus beau que ses propres réussites et il en conçut plus d’orgueil.

C’est à cette époque que lui arriva une aventure singulière. Le vieux Bordes s’était installé à Paris et y menait la vie qui avait toujours été la sienne parmi les tempêtes d’adora-