11. Tels étaient les plaisirs, ébats et luttes nocturnes où se couronnait notre valeur, et nous y trouvions mille charmes. J’oubliai complétement d’aller à Larisse, mais je ne perdis pas de vue la cause pour laquelle je faisais des armes avec Palestra. « Montre-moi, ma chère, lui dis-je un jour, montre-moi ta maîtresse dans ses tours de magie ou de métamorphose. Il y a bien longtemps que je désire voir ce spectacle singulier. Ou plutôt, si tu connais quelque secret, fais toi-même de la magie et transforme-toi à mes yeux. Je crois que tu ne manques pas d’habileté dans cet art, et je ne le sais pas par ouï-dire, mais par ma propre expérience. Mon âme était de fer, disaient les femmes ; jamais je n’avais jeté sur elles un regard passionné ; mais ta science m’a fait prisonnier, et tu t’es rendue maîtresse de moi dans notre guerre amoureuse. — Cesse, me répondit Palestra, de te moquer de moi. Quel charme pourrait fasciner l’amour, lui qui est passé maître en fait d’enchantements ? Je ne sais rien de tout cela, mon cher ami ; j’en jure par ta tête, par ce bienheureux lit, témoin de nos plaisirs ; je n’ai pas même appris à lire, et ma maîtresse est fort jalouse de sa science. Si pourtant l’occasion se présente de te la montrer dans ses métamorphoses, j’y essayerai. » Cela dit, nous nous endormons.
12. Quelques jours après, Palestra vient m’annoncer que sa maîtresse va se changer en oiseau, pour aller trouver son amant. « Voilà, lui dis-je, Palestra, une belle occasion de me rendre le service demandé et de satisfaire la longue curiosité de ton serviteur. — Sois tranquille, » me dit-elle. Et, le soir venu, elle me mène à la porte de la chambre où se couchaient ses maîtres, et me dit de regarder par une fente ce qui se passait à l’intérieur. Je vois une femme qui se déshabillait. Lorsqu’elle est nue, elle s’approche d’une lampe, y met deux grains d’encens, et, se tenant debout, murmure quelques paroles adressées à la flamme ; ensuite elle ouvre un petit coffre dans lequel étaient plusieurs boîtes, et en prend une où se trouvait quelque chose de liquide. Je ne sais pas au juste ce que c’était, mais il me sembla que c’était de l’huile. Elle en prend, s’en frotte tout le corps en commençant par le bout des ongles ; aussitôt il lui pousse des ailes, son nez devient de corne et crochu ; enfin elle a tout ce qui caractérise un oiseau, un hibou parfait. Quand elle se voit bien emplumée, elle fait entendre un croassement terrible, à la manière des corbeaux, s’élance vers la fenêtre et prend son vol.
13. Je crus que tout ceci n’était qu’un songe ; je me frottai les paupières avec les doigts, me refusant à en croire mes yeux et me demandant s’ils avaient bien vu, si j’étais éveillé. À toute