LXXIX
PHILOPATRIS
1. Triéphon. Qu’est-ce donc, Critias ? Te voilà tout changé ! Tu fronces les sourcils en vrai songe-creux ; tu roules dans ton esprit de graves pensées, comme un renard qui médite une ruse, et, pour parler avec le poëte[2],
une étrange pâleur s’étend sur ton visage
As-tu vu le chien à trois têtes, Hécate sortant des enfers, ou bien t’es-tu rencontré volontairement avec quelque dieu ? Il n’est pas naturel que tu sois dans cet état, lors même que tu aurais appris qu’un déluge nouveau doit inonder la terre comme du temps de Deucalion. C’est à toi que je parle, beau Critias. Tu ne m’entends pas crier ? Il y a longtemps cependant que je suis près de toi. Es-tu fâché contre moi. Es-tu sourd, ou bien attends-tu que je te prenne à la gorge comme un lutteur ?
Critias. Ô Triéphon, je viens d’entendre un discours long, inextricable, semé de labyrinthes ; je repasse dans ma mémoire toutes ces inepties et je me bouche les oreilles, de peur qu’en les entendant de nouveau la fureur ne me pétrifi e comme cette
- ↑ Les critiques s’accordent à regarder ce dialogue comme d’un auteur plus moderne que Lucien, et qui, portant le même nom que celui-ci, vécut sous le règne de Julien l’Apostat. Il est dirigé contre les Chrétiens, dont l’auteur grec s’étudie, par des allusions obscures et par des plaisanteries de mauvais goût, à tourner en ridicule les croyances et les pratiques. On trouvera à la fin du dernier volume du Lucien de Lehmann une dissertation approfondie de J. M. Gesner sur toutes les questions soulevées par ce dialogue.
- ↑ Homère, Iliade, I, v. 449.