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charidémus ou de la beauté.

entretien ! Cependant je suis presque aussi heureux que vous, grâce à ton obligeance.


LXXVIII

NÉRON OU LE PERCEMENT DE L’ISTHME[1].


MÉNÉCRATE ET MUSONIUS[2].

1. Ménécrate. Le percement de l’isthme, que le tyran fut, dit-on, sur le point d’exécuter, te paraît donc, Musonius, digne du génie des Grecs ?

Musonius. Sache bien, Ménécrate, que Néron se proposait une chose infiniment utile : il voulait épargner aux navigateurs le circuit qu’ils sont obligés de faire autour du Péloponèse et du promontoire de Malée, en coupant l’isthme par un canal de vingt stades. C’eût été un grand service rendu au commerce, aux villes maritimes et à celles de l’intérieur. Celles-ci, en effet, trouvent de quoi subvenir à leurs besoins, quand la navigation prospère.

Ménécrate. Fais-nous donc le récit de cette entreprise, Musonius ; nous le désirons vivement, si tu n’as rien de mieux à faire.

Musonius. Je le veux bien. Je ne sais comment vous payer de votre peine, vous qui par zèle êtes venu me trouver dans cette triste école de philosophie.

2. Néron était entraîné vers l’Achaïe par son amour pour la musique et par la ferme persuasion où il est que les Muses elles-mêmes ne chantent pas mieux que lui[3]. Il voulait se faire cou-

  1. Wieland croit à l’authenticité de ce dialogue, mise en doute par un grand nombre de critiques.
  2. Le philosophe Musonius avait été exilé par Néron. L’auteur suppose qu’il avait été condamné à travailler au percement de l’isthme de Corinthe, et que Ménécrate, son ami, était venu l’y visiter.
  3. Pour les prétentions musicales de Néron, voy. Suétone, Néron, § 20 et