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temps de ses plumes, et semble défier la prairie au combat de la beauté. Il se tourne, il se pavane, il marche fier de sa splendide parure, surtout au moment où il paraît le plus admirable, grâce aux reflets ondoyants de ses couleurs, sans cesse remplacées par des nuances qui prennent à chaque instant un nouvel éclat. Or, cet effet se produit particulièrement aux cercles placés à l’extrémité de ses plumes, et dont chacun semble formé des couleurs de l’arc-en-ciel. Ce qui était de l’airain, au plus léger mouvement, devient de l’or, et le bleu céleste émané du soleil, en passant à l’ombre, se change en une teinte verdoyante : ainsi le plumage de cet oiseau se transforme par mille jeux de lumière.

12. Le charme que la mer exerce sur nous, l’attrait par lequel elle nous séduit, quand elle se déroule calme sous nos yeux, est un fait que vous connaissez tous sans que je vous le dise. Il n’est personne alors qui, malgré son amour pour la terre et son éloignement pour la navigation, ne soit prêt à s’embarquer, à entreprendre un voyage et à s’avancer loin du rivage, surtout lorsqu’il voit un vent favorable enfler légèrement la voile, et le vaisseau glisser avec douceur et mollesse à la surface des flots.

13. C’est ainsi que la beauté de cette demeure a le pouvoir de nous engager à prononcer un discours, éveille l’éloquence et inspire à l’orateur le désir des applaudissements. Pour moi, je cède, ou plutôt j’ai cédé à ces attraits, et je suis venu pour parler dans ce séjour, séduit par une puissance magique ou par les charmes d’une sirène ; et j’ai l’espoir que, si mes paroles ne sont pas belles par elles-mêmes, elles le paraîtront du moins, ornées d’un si riche vêtement.

14. Cependant voici qu’un autre discours, qui n’a rien de méprisable et qui se prétend plein de noblesse, s’est présenté à mon esprit, pendant que je vous parlais, et s’est efforcé à plusieurs reprises de m’interrompre ; puis, maintenant que j’ai fini, il élève la voix ; il soutient que j’ai déguisé la vérité, et dit qu’il est fort étonné que j’aie pu avancer que la beauté d’un appartement, les peintures et l’or dont il est décoré, le rendaient plus propre à faire briller le talent d’un orateur ; car c’est précisément le contraire. Mais il vaut mieux, si vous le trouvez bon, que le discours se présentant lui-même devant vous, comme devant ses juges, plaide sa propre cause, et qu’il établisse les raisons sur lesquelles il se fonde, pour penser qu’une demeure simple et sans beauté est plus favorable à l’éloquence. Vous m’avez entendu. Je n’ai pas besoin de revenir une seconde fois sur le même ob-