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elle n’a d’or que comme le ciel embelli, pendant la nuit, d’étoiles qui brillent de distance en distance, et fleuri de feux qui ne luisent que par intervalles. Si, en effet, ces feux étincelaient de toutes parts, loin que le ciel nous parût beau, il serait terrible. Ici, au contraire, on voit que l’or n’est pas inutile, ni répandu parmi les autres ornements pour le seul plaisir de la vue ; il brille d’un éclat agréable et colore de ses reflets rouges l’appartement tout entier. Lorsque la lumière vient à frapper cet or, ils forment ensemble une clarté vive qui répand au loin la sérénité de ses rayons empourprés.

9. Telle est donc la beauté de ce faîte qu’il faudrait, pour le louer, le talent d’un Homère, qui ne manquerait pas de l’appeler un dôme magnifique[1] comme la chambre d’Hélène, ou, comme l’Olympe, un séjour radieux[2]. Quant aux autres ornements, aux peintures des murailles, à la richesse des couleurs, à la vivacité, à la perfection et à la vérité du dessin, on peut les comparer au printemps et à une prairie émaillée de fleurs ; seulement, ces fleurs se fanent, se dessèchent, se changent et perdent leur fraicheur, tandis qu’ici le printemps est perpétuel, la prairie toujours fraîche, les fleurs éternelles, car la vue seule les touche et cueille ce spectacle enchanteur.

10. Qui peut dès lors demeurer insensible à l’aspect de ces beautés ravissantes ? Qui ne désire, même au delà de ses forces, prendre la parole au milieu de ce séjour, surtout quand on sait qu’il y a honte à rester au-dessous des objets qu’on a sous les yeux ? La vue des beaux objets est, en effet, pleine de charmes ; l’homme n’est pas le seul être qui s’y montre sensible. Un cheval, je crois, court avec plus de plaisir dans une plaine dont la pente est douce et facile, dont le sol moelleux reçoit doucement son pas, cède à la pression du pied et ne repousse point le sabot qui le frappe ? Il déploie alors toute sa vitesse, s’abandonne à son élan et dispute de beauté avec le champ que ses pieds foulent.

11. Voyez le paon[3], quand le printemps renaît ; il se promène dans une prairie, lorsque les fleurs s’épanouissent non-seulement plus agréables, mais, pour ainsi dire, plus fleuries, et qu’elles brillent des plus vives couleurs ; il ouvre ses ailes, les déploie au soleil, élève sa queue, l’ouvre en forme de cercle, fait admirer les fleurs dont il est lui-même paré, ainsi que le prin-

  1. Voy. Odyssée, IV, v. 121.
  2. Iliade, I, v. 532.
  3. Cf. Dion Chrysostome, xiie Discours ; Oppien, De la chasse, II, v. 589 ; Buffon, Le Paon.