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à nu tes esclaves. Qu'en dis-tu ? Les secrets de tes nuits ne se produiront-ils pas au grand jour ? Réponds-moi: si Bassus, votre sophiste, si Battalus, le joueur de flûte, si le mignon Hémithéon de Sybaris, qui vous a rédigé un si beau code, ou l'on apprend à s'adoucir la peau, à s'épiler, à jouer toute espèce de rôle, actif ou passif ; si, dis-je, on voyait s'avancer un personnage de cette espèce, revêtu d'une peau de lion, armé d'une massue, pour qui les spectateurs le prendraient-ils ? Pour Hercule ? Non, certes ; à moins d'avoir aux yeux plein une marmite de chassie. Mille témoignages déposeraient contre ce mensonge : la démarche, le regard, le son de la voix, le cou penché, la céruse, le mastic et le fard dont vous faites usage ; en somme, comme dit le proverbe : "Il est plus facile de cacher cinq éléphants sous son aisselle qu'un seul mignon." Eh bien ! un pareil homme ne peut pas se déguiser sous une peau de lion, et tu t'imagines être caché sous un livre ? C'est impossible ; tout te trahira ; tous vos signes caractéristiques te feront découvrir.

[24] En général, tu me parais ignorer que ça n'est pas chez les brocanteurs de livres qu'on doit chercher l'estime publique : chacun, la provoque par soi-même et par sa vie de tous les jours. Crois-tu donc que Callinus et Atticus, ces élégants copistes, parleront pour ta défense et te couvriront de leur témoignage ? Non ; mais des gens impitoyables t'écraseront bientôt, s'il plaît aux dieux, et te réduiront à la dernière pauvreté. Tu devrais, si tu avais encore un peu de sens commun, vendre dès ce moment tes livres à quelqu'un de nos savants, et, avec tes livres, cette maison nouvellement construite, afin de payer à tes marchands d'esclaves une partie des sommes énormes que tu leur dois.

[25] Jusqu'ici, en effet, deux objets ont partagé tes soins : acquérir des livres précieux, acheter des gaillards jeunes et déjà mûrs : c'est la double affaire que tu poursuis et pourchasse avec ardeur. Il est cependant impossible, quand on est pauvre de suffire à ces deux dépenses. Écoute donc bien, car c'est chose sacrée qu'un bon conseil. Défais-toi de ce qui ne te convient pas, pour soigner ton autre maladie. Achète des esclaves complaisants, de peur qu'à défaut des gens de ta maison, tu ne te replies