Mercure. Voilà un : « Prenez pitié » que tu nous dis sans doute, Prométhée, pour que nous soyons attachés à ta place, si nous n’obéissons pas aux ordres que nous avons reçus. Est-ce que le Caucase ne te semble pas assez grand, pour qu’on y enchaîne encore deux malheureux ? Voyons ; étends la main droite. Toi, Vulcain, attache, cloue et frappe vigoureusement de ton marteau. Maintenant, donne l’autre main, qu’on l’attache aussi solidement. Voilà qui est fait : bientôt va descendre l’aigle qui doit te ronger le foie, et tu seras payé de tes belles et ingénieuses découvertes.
[3] Prométhée. Ô Saturne ! ô Japet ! et toi, Terre, qui m’as donné le jour, quels maux on fait souffrir à un infortuné qui n’a commis aucun mal !
Mercure. Aucun mal, Prométhée ? Chargé jadis de faire la distribution des viandes, n’as-tu pas poussé l’injustice et la fourberie au point de te réserver les meilleurs morceaux, et de ne servir à Jupiter que des os
Recouverts d’une graisse blanche ?
[4] Prométhée. Tu as bien l’air, Mercure, de vouloir, comme dit le poète, inculper un innocent. Tu me reproches des choses pour lesquelles je mériterais, à mon avis, si l’on me rendait justice, d’être nourri au Prytanée[2]. Si tu avais le temps de m’entendre, je me justifierais volontiers auprès de toi de toutes ces accusations, et te prouverais les torts de Jupiter envers moi. Mais toi, qui es un peu babillard et chicaneur, plaide pour lui et démontre qu’il a porté un jugement équitable, en me faisant clouer près des portes Caspiennes[3], sur le Caucase, triste spectacle pour tous les Scythes.
Mercure. L’appel est un peu tardif, Prométhée, et le plaidoyer inutile ; parle cependant : aussi bien faut-il que je demeure