n’avez qu’à le distribuer à tous ceux qui en ont besoin, à l’un cinq drachmes[1], à l’autre une mine[2], à cet autre, un demi-talent[3] ; et, si c’est un philosophe, il est juste qu’il ait double et même triple part. Quant à moi, je ne demande rien pour moi-même ; mais, afin de pouvoir soulager quelques amis qui sont dans l’indigence il me suffira que vous remplissiez cette besace, qui ne contient que deux médimnes[4] d’Égine : quand on est philosophe, il faut savoir se contenter de peu, modérer ses désirs et ne pas songer au delà de la besace.
Timon. Fort bien dit, Thrasyclès ; mais, avant de remplir ta besace, il faut, s’il te plaît, que je t’assène quelques coups de poing sur la tête, et par-dessus le marché quelques bons coups de pioche.
Thrasyclès. Ô république, ô lois ! nous sommes frappés par un coquin dans une cité libre !
Timon. De quoi te plains-tu, bon Thrasyclès ? t’ai-je fait mauvaise mesure ? tiens, je vais te donner quatre chénices[5] en sus. Mais qu’est-ce-ci ? Ils accourent en foule ; Blepsias, Lachès, Gniphon et une légion de drôles que je vais faire crier. Que ne monté-je sur cette roche, pour laisser reposer ma pioche depuis longtemps fatiguée ? Ramassons des pierres et faisons-les pleuvoir sur eux comme une grêle.
Blepsias. Assez, assez, Timon ; nous nous en allons.
Timon. Oui, partez, mais couverts de sang et de blessures !