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DÉMONAX.

65. Lorsqu’il sentit qu’il n’était plus en état de subvenir à ses besoins, il se mit à réciter, en présence Ale ses amis, ces vers que le héraut proclame aux jeux publics[1] :

Les Jeux sont finis !…
Nous avons le prix
De notre courage.
Partons, mes enfants,
Profitons du temps ;
Allons ! En voyage !


De ce moment, il ne voulut plus rien prendre, et quitta la vie aussi gai que ses amis l’avaient toujours connu.

66. Peu de temps avant sa mort, on lui demanda ce qu’il ordonnait pour sa sépulture : « Ne vous en inquiétez pas, répondit-il ; l’odeur de mon cadavre me fera donner un tombeau. — Hé quoi ! répliqua-t-on, ne serait-il pas honteux d’abandonner aux chiens et aux oiseaux le corps d’un homme tel que vous ? — Il n’y a rien d’étrange, dit-il, à ce que je veuille encore après ma mort rendre service à des êtres vivants. »

67. Les Athéniens cependant lui firent de magnifiques obsèques aux frais de l’État ; ils le pleurèrent longtemps et conservèrent avec vénération le siége de pierre sur lequel il avait coutume de se reposer ; on le couronna de fleurs pour honorer la mémoire de ce grand homme, et on regarda comme sacrée cette pierre où il s’était assis. Tout le monde se rendit à ses funérailles, particulièrement les philosophes, qui le chargèrent sur leurs épaules et le portèrent à son tombeau. Tel est le petit nombre de traits que j’ai mentionnés parmi une foule d’autres : ils permettent toutefois aux lecteurs de juger quel homme ce fut que notre philosophe.


  1. Cette proclamation se trouve en entier dans les Césars de l’empereur Julien.