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DE L’ASTROLOGIE.

10. Les Grecs n’apprirent l’astrologie ni des Éthiopiens ni des Égyptiens : c’est Orphée, fils d’Œagre et de Calliope, qui leur en révéla les premiers principes. Cependant il ne les rendit pas publics ; il n’enseigna point cette science au grand jour, mais il l’enveloppa d’enchantements et de mystères pour seconder ses vues. Il construisit une lyre et institua des orgies dans lesquelles il chantait ses dogmes sacrés. Sa lyre à sept cordes rendait une harmonie qui était comme le symbole de celle des planètes. C’est par ces recherches et cette impulsion qu’Orphée charmait et subjuguait tous les cœurs ; mais, en réalité, son attention ne se dirigeant pas sur la lyre qu’il avait faite, il ne se préoccupait d’aucune espèce de musique, il ne songeait qu’à la grande Lyre d’Orphée. En effet, les Grecs, pour lui faire honneur, lui assignèrent une place dans le ciel, et la réunion de plusieurs étoiles prit le nom de Lyre d’Orphée. Aussi, quand parfois vous voyez Orphée représenté en pierre ou en peinture, assis au milieu de ses auditeurs dans l’attitude d’un homme qui chante, une lyre à la main et entouré d’une foule d’animaux, hommes, taureaux, lions et autres encore, à cette vue rappelez-vous quel est ce chant, quelle est cette lyre, quel taureau et quel lion prêtent l’oreille à Orphée ; si vous en connaissiez les modèles, vous verriez qu’ils sont tous placés dans les cieux.

11. On dit que le fameux Tirésias, de Béotie, qui se fit une grande réputation en prédisant l’avenir, enseigna aux Grecs que, parmi les planètes, les unes étaient femelles, les autres mâles, et qu’elles avaient des influences différentes. De là cette légende sur Tirésias, qu’il était de deux natures, qu’il réunissait les deux sexes, tour à tour homme ou femme.

12. Lorsque Atrée et Thyeste se disputèrent le trône de leur père, les Grecs cultivaient publiquement l’astrologie et l’étude du ciel. L’État d’Argos résolut de donner l’empire à celui des deux frères qui surpasserait l’autre dans cette science. Thyeste désigna et fit connaître à ses concitoyens le bélier céleste : d’où la fable que Thyeste avait un agneau d’or. Atrée leur parla du soleil et de ses levers ; que le soleil et le monde ne se meuvent pas dans le même sens, mais que leur marche est opposée, de sorte que ce que nous prenons pour le coucher du monde est en réalité le lever du soleil. Cette démonstration le fit élire roi par les Argiens, et sa sagesse lui valut une grande gloire.

13. Je vois un emblème pareil dans Bellérophon. Je ne puis croire qu’il eût un cheval ailé ; mais je me figure que ce héros, en cultivant l’astrologie, prit des idées sublimes, vécut au mi-