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DE LA DANSE.

sième genre, le Sicinnis. Mais puisque, dans le principe, tu as préféré à la danse la tragédie, la comédie, les joueurs de flûte ambulants, les vers chantés au son de la cithare, et tous les autres objets de concours, que, pour cela même, tu as déclarés honnêtes et respectables, permets-moi maintenant de les comparer chacun avec la danse. Cependant, si tu le trouves bon, nous ne parlerons ni de la flûte ni de la cithare, car toutes deux prêtent leur ministère au danseur.

[27] Examinons d’abord la tragédie sous le rapport du costume. Quel spectacle effrayant et hideux que de voir un personnage, d’une grandeur gigantesque, monté sur des cothurnes d’une hauteur démesurée, dont le masque, placé au-dessus de la tête, ouvre la bouche d’une manière effroyable et semble vouloir avaler les spectateurs ! Je ne parle pas de ces plastrons qui garnissent la poitrine et le ventre de l’acteur, et qui, lui donnant une grosseur factice et artificielle, empêchent que sa maigreur ne rende ridicule sa taille disproportionnée ! Ensuite lorsque du fond de ces habits il se met à débiter, d’un son de voix sourd ou forcé, ses tirades de vers ïambiques, quoi de plus ridicule qu’en chantant ses infortunes il ne songe qu’à soigner ses inflexions ! Les poëtes, qui ont vécu avant lui, se sont chargés de tout le reste. Tant que c’est une Andromaque ou une Hécube qui paraît sur la scène, le chant est encore supportable ; mais quand c’est Hercule qui déclame une monodie, et que, s’oubliant lui-même, il n’a aucun respect pour la peau de lion et pour la massue qui composent son costume, il n’est personne de sensé à qui cela ne paraisse un solécisme dramatique.

[28] D’autre part, le crime que tu fais à la danse, de ce que les hommes y remplissent les rôles de femmes, lui est commun avec la tragédie et la comédie : il y a même dans celles-ci plus de rôles de femmes que d’hommes.

[29] La comédie regarde le ridicule de ses personnages comme la partie principale du plaisir qu’elle procure : tels sont les rôles des Daves, des Tibius et des cuisiniers[1]. Mais le costume du danseur, je n’ai pas besoin de te dire combien il est convenable et décent : c’est évident, même pour un aveugle. Il n’est pas jusqu’au masque qui ne soit fort beau et tel qu’il convient à l’action théâtrale : il ne bâille pas comme les autres ; il a, au contraire, la bouche fermée ; en effet, beaucoup d’instruments résonnent à sa place.

[30] Anciennement les mêmes acteurs chantaient et dansaient

  1. Voy. l’Aulularia de Plaute.