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DE LA DANSE.

même chose ; vous les voyez en un instant charger de figure, à l’instar de Protée. Il est vraisemblable que cette Empuse[1], qui prenait successivement mille formes différentes, était aussi une danseuse défigurée par la Fable.

[20] Après ces exemples, il est juste de mentionner la danse des Romains, consacrée à Mars, le plus belliqueux de leurs dieux, et exécutée par les citoyens les plus distingués, nommés Saliens, du nom de leur sacerdoce : danse pleine de noblesse et de sainteté[2].

[21] Il existe en Bithynie une légende assez semblable à celle qui a cours chez les Italiens. Priape, génie guerrier, que je crois un des Titans ou des Dactyles Idéens[3] qui font profession d’enseigner à manier les armes, ayant reçu, des mains de Junon, Mars encore enfant, mais singulièrement fort et robuste, ne lui montra pas à combattre tout armé avant d’en avoir fait un danseur accompli. Pour son salaire, Junon lui accorda le privilège de recevoir de Mars le dixième de tout ce qui reviendrait à ce dieu par le privilège de la guerre.

[22] Tu n’attends pas à savoir de moi, je pense, que les Dionysiaques et les Bacchanales se passaient toutes en danse. Il y en avait trois genres principaux : le Cordax, le Sicinnis et l’Emmélie, inventés tous trois par les Satyres, ministres de Bacchus, qui leur ont donné leurs propres noms. Ce fut en employant cet art que Bacchus dompta les Tyrrhéniens, les Indiens et les Lydiens, et soumit, par des chœurs de danse, toutes ces tribus belliqueuses[4].

[23] Ainsi prends garde, mon cher, qu’il n’y ait à toi de l’impiété à blâmer un art tout divin, consacré aux mystères, cultivé par de tels dieux, institué en leur honneur, joignant un tel plaisir à une instruction si utile. Je suis, d’ailleurs, surpris qu’amoureux, comme tu l’es, d’Homère et surtout d’Hésiode, car j’en reviens toujours aux poëtes, tu oses, lorsqu’ils ont loué la danse par-dessus tout, tenir un langage contraire au leur. Homère, en effet, faisant l’énumération de ce qu’il y a de plus agréable et de plus beau, nomme le sommeil, l’amour, le chant et la danse, mais c’est la danse seule qu’il appelle irréprochable[5] ; son témoignage, en outre, accorde la douceur au chant ; or, ce

  1. Voy. le Dictionnaire de Jacobi.
  2. Plutarque, Vie de Numa, traduction d’A. Pierron, t. I, p. 154, édition Charpentier.
  3. Voy. ce mot dans le Dict. de Jacobi.
  4. Voy. Préface ou Bacchus.
  5. Iliade, XIII, v. 636 ; Odyssée, XVIII, v. 303.