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ZEUXIS OU ANTIOCHUS

[12] C’est à moi maintenant de prendre garde à ne point avoir, comme Antiochus, un appareil insignifiant de bataille, mais je ne sais quels éléphants, des épouvantails nouveaux aux spectateurs, de véritables tours de force : c’est en effet là ce qui ravit leurs suffrages, tandis qu’ils ne font aucun cas des parties sur lesquelles j’avais compté. Un tableau qui représente une centauresse les frappe d’admiration, et leur paraît, comme il l’est d’ailleurs, une merveille singulière et nouvelle. Mais quoi donc ! est-ce en pure perte que Zeuxis aura travaillé le reste ? Non, sans doute ; car vous êtes de bons juges en fait de peinture, vous connaissez les règles de l’art, pourvu que les œuvres qui vous sont offertes soient dignes du théâtre où elles se produisent.



XXIII

HARMONIDE[1].

[1] Harmonide[2], le joueur de flûte, faisait un jour cette question à Timothée[3] son maître : « Dis-moi, Timothée, par quel moyen es-tu devenu célèbre dans ton art ? Que dois-je faire pour que mon nom soit connu de tous les Grecs ? Je te dois déjà beaucoup : tu m’as appris l’art de jouer juste, de souffler légèrement dans l’embouchure, de tirer des sons mélodieux, de lever

  1. Cet opuscule est une recommandation, σίστασις.
  2. Harmonide vécut du temps de Philippe et d'Alexandre.
  3. « Il y eut deux Timothée, fameux musiciens : le plus ancien, dont il est ici question, naquit à Milet, ville ionienne de Carie, la troisième année de la LXXXIIIe olympiade, qui répond à 466 avant Jésus-Christ, et mourut en Macédoine, âgé de quatre-vingt-dix ans. Il excellait dans la poésie lyrique et dithyrambique, il jouait parfaitement de la cithare : il la perfectionna même, en ajoutant à cet instrument deux cordes ou même quatre, suivant Pausanias. Mais cette innovation déplut tellement aux Lacédémoniens, qu'ils le chassèrent de Sparte, et rendirent contre lui ce fameux décret que Boèce nous a conservé, De musica, livre I, chap. i. Le second Timothée, maître d'Harmonide, était de Thèbes, en Béotie, et vivait au temps d'Alexandre le Grand, auquel il inspirait par le son de sa flûte, tantôt l'enthousiasme guerrier, tantôt l'amour et la volupté. » Belin de Ballu.