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SUR UNE FAUTE COMMISE EN SALUANT.

[6] Mais qu’ai-je besoin de citer les anciens, lorsque Épicure lui-même, ce grand homme, pour qui la joie avait tant de charmes, et qui regardait le plaisir comme le souverain bien, dans ses lettres sérieuses, dont quelques-unes nous restent, et en écrivant à ses amis, commence toujours par leur recommander de se bien porter, ὑγιαίνειν[1] ? Dans la tragédie et dans la comédie on trouve aussi le même souhait dès le premier abord. Par exemple :

Soyez sauf et joyeux,

et c’est avec sagesse que l’on place la santé avant la joie. Alexis[3] dit à son tour :

Maître, bonne santé, que vous revenez tard !

Et Achéus[4] :

Je suis bien criminel, mais à toi la santé.

Et Philémon[5] :

Avant tout la santé, puis ma fortune faite,
Et puis encor la joie, et l’absence de dette.

L’auteur du scolie cité par Platon[6], que dit-il ? « La santé est

  1. Épicure avait composé un très-grand nombre de lettres ; il ne nous en reste de lui que trois, conservées par Diogène de Laërte : deux contiennent un abrégé de sa doctrine physique ; l’une est adressée à un certain Hérodote, peu connu d’ailleurs ; et l’autre à Pythoclès, aussi peu célèbre. Quoiqu’elles traitent de matières sérieuses, elles sont cependant dans la forme ordinaire, c’est-à-dire qu’elles commencent par ces mots : Ἐπίκουρος τῷ Ἡροδότῳ ou bien τῷ Πυθοκλεί χαίρειν, et non pas ὑγιαίνειν, comme le prétend Lucien. Il y a plus ; Diogène de Laërte, qui remarque qu’Épicure employait quelquefois la formule εὑ πράττειν, et celle εὗ διάγειν, dont il était l’inventeur, ne dit pas un mot d’ὑγιαίνειν. Ne pourrait-on pas soupçonner que ce dernier mot est corrompu dans Lucien, et qu’il faut lire à sa place εὗ διάγειν » Belin de Ballu.
  2. Homère, Odyssée, XXIV, v, 401.
  3. Alexis de Thurium, poëte de la Nouvelle Comédie ; il n’en reste que des fragments. Lucien parle encore de lui dans le traité intitulé : Exemples de longévité, chap. xxv. Voy. Hist. de la litt. gr. d’A. Pierron, p. 375.
  4. Achéus d’Érétrie, poëte tragique, postérieur à Sophocle. Voy. Alexis Pierron, p. 267.
  5. Philémon, poëte de la Moyenne Comédie : ses fragments ont été recueillis avec ceux de Ménandre par J. Le Clerc, Amsterdam, 1709, et par Aug, Meineke, Berlin, 1823. Voy : Alexis Pierron, p. 380.
  6. Sur ce scolie, voy. Plutarque, Questions de table, I, question I ; Athénée,