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Ménippe

Non. par Jupiter, mais plutôt de vaine gloire, d’orgueil et de folie ! Voilà ce qui t’a réduit en charbon avec tes sandales, et c’était justice. Mais cette ruse t’a été inutile, et l’on a vu que tu étais mort. Et Socrate, dis-moi, Éaque, où donc est-il ?

Éaque

Près de Nestor et de Palamède, bavardant avec eux.

Ménippe

Cependant je voudrais bien le voir, s’il est là quelque part.

Éaque

Tu vois cette tête chauve ?

Ménippe

Tout le monde l’est ici ; c’est un signalement uniforme chez les morts.

Éaque

Hé bien ! ce nez camus ?

Ménippe

C’est encore la même chose : tout le monde est camus.

Socrate

Tu me cherches, Ménippe ?

Ménippe

Oui, Socrate.

Socrate

Que fait-on à Athènes ?

Ménippe

La plupart des jeunes gens s’y disent philosophes ; et si l’on en juge par les habits et la démarche, ce sont tous des philosophes parfaits. Du reste tu as pu voir comment sont arrivés ici Aristippe et Platon, l’un fleurant la myrrhe, l’autre appris à faire la cour aux tyrans de Sicile.

Socrate

Et que pense-t-on de moi ?

Ménippe

Tu es heureux, Socrate, sous ce rapport. Chacun t’estime un homme admirable, sachant tout, et pourtant, disons la vérité, ne sachant rien.

Socrate

C’est ce que je leur disais moi-même ; mais ils croyaient que c’était pure ironie.

Ménippe

Quels sont ceux que je vois autour de toi ?

Socrate

Charmide, Phèdre, et le fils de Clinias.

Ménippe

À merveille, Socrate : ici même tu ne négliges pas ton métier, et ne dédaignes point les jolis garçons.

Socrate

Que faire de plus agréable ? Mais rapproche-toi de nous, si bon te semble.

Ménippe

Non, par Jupiter, je vais m’établir auprès de Crésus et de Sardanapale : j’espère avoir beaucoup à rire, en les entendant pleurer.

Éaque

Et moi je m’en vais, de peur que quelque mort ne nous échappe : tu en verras plus long une autre fois, Ménippe.

Ménippe

Va-t’en, Éaque ; en voilà bien assez.