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d’Amphitryon, l’autre de Jupiter, et nous ne savions pas que vous étiez deux jumeaux, issus de la même mère.

Hercule

Mais non, imbécile ; nous étions tous les deux le même être.

Diogène

Il n’est pas facile de comprendre que deux Hercules n’en fissent qu’un ; à moins que vous ne fussiez, comme les Centaures, deux natures en une seule, homme et dieu.

Hercule

Tous les hommes ne te paraissent-ils pas composés de deux êtres, d’une âme et d’un corps ? Qui empêcherait que l’âme, émanée de Jupiter, ne fût dans le ciel, et que la partie mortelle ne fût chez les morts ?

Diogène

Oui, très excellent fils d’Amphitryon, tu aurais raison, si tu étais un corps ; mais tu n’es qu’une ombre, en sorte que tu cours le risque d’imaginer encore un triple Hercule.

Hercule

Pourquoi triple ?

Diogène

Voici pourquoi. S’il y a un Hercule dans le ciel et une ombre d’Hercule avec nous, puis sur le mont Oeta un corps qui n’est déjà plus que poussière, cela nous étonnerait : vois alors quel troisième père tu trouveras pour ce corps.

Hercule

Tu es un insolent et un sophiste. Comment t’appelles-tu ?

Diogène

L’ombre de Diogène de Sinope. Ma personne, j’en atteste Jupiter, n’est pas du tout chez les dieux immortels, mais parmi les meilleurs morts, où je ris d’Homère et de ses froides inventions.

17. Ménippe et Tantale

Ménippe

Pourquoi pleurer ainsi, Tantale ? pourquoi gémir sur ton sort, debout près de ce lac ?

Tantale

Parce que je meurs de soif, Ménippe.

Ménippe

Es-tu donc si paresseux que tu ne te baisses pour boire, ou bien, par Jupiter, que tu ne puises de l’eau dans le creux de ta main ?

Tantale

C’est vainement que je me baisserais : l’eau fuit, dès qu’elle me sent approcher d’elle, et si, par hasard, j’en puise un peu dans ma main et la porte à ma bouche, je n’ai pas le temps de mouiller le bord de mes lèvres que déjà elle s’écoule, je ne sais comment, à travers mes doigts, et que ma main reste sèche.