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et auquel son cousin Aristéas, non moins riche que lui, avait coutume de dire le mot d’Homère :

Ou tu m’enlèveras ou je t’enlèverai.

Diogène

Pourquoi cela, Cratès ?

Cratès

Ils se courtisaient mutuellement dans l’espérance d’hériter l’un de l’autre, ayant tous deux le même âge : tous deux avaient fait connaître leur testament. Mérichus, s’il mourait le premier, instituait Aristéas son légataire universel, et Aristéas, s’il partait avant lui. Voilà ce qui était écrit : ils se courtisaient donc et faisaient assaut de flatterie. Et non seulement les devins, qui prédisent l’avenir d’après les astres, ou bien d’après les songes, comme les disciples des Chaldéens, mais le dieu pythien lui-même donnait l’avantage tantôt à Aristéas, tantôt à Mérichus : la balance penchait un jour pour celui-ci, un autre jour pour celui-là.

Diogène

Quelle a été la fin de la lutte, Cratès ? cela est curieux à savoir.

Cratès

Tous les deux sont morts le même jour, et leur succession a passé à Eunomius et à Thrasiclès, leurs parents auxquels on n’avait jamais prédit qu’il en adviendrait ainsi. Nos deux cousins, naviguant de Sicyone à Cirrha, ont été pris en travers par l’Iapyx et ont fait naufrage.

Diogène

Ils ont bien fait. Mais nous, lorsque nous étions en vie, nous n’avons jamais songé à rien de pareil entre nous. Jamais je n’ai souhaité la mort d’Antisthène pour hériter de son bâton ; cependant il en possédait un solide, qu’il avait taillé dans un olivier franc, et je ne pense pas, Cratès, que tu aies jamais désiré, moi mort, hériter de mes biens, je veux dire mon tonneau et ma besace, qui tenait deux chénices de lupins.

Cratès

Je n’avais pas besoin de cela, ni toi non plus, Diogène. Ce qu’il nous fallait, nous l’avions hérité, toi d’Antisthène,